Comment contester la publication d’un procès-verbal d’une assemblée générale en droit des sociétés ?

Publié le 3 octobre 2016

Il peut arriver, dans la vie d’une société commerciale, que certaines personnes, administrateurs d’une société, actionnaires ou tiers, prennent la liberté de faire publier au Moniteur Belge une décision d’une assemblée générale qui, en réalité, ne s’est pas tenue, ou s’est tenue sans que les formalités liées à la convocation et/ou au mode de scrutin n’aient été respectées.
Un exemple concret
Dans un dossier jugé par la Cour d’appel de Bruxelles, le conseil d’administration d’une société anonyme dont les actions se répartissaient entre deux actionnaires (90% pour l’un, 10% pour l’autre) était composé de son fondateur, actionnaire majoritaire, et d’une autre société contrôlée par ce dernier. L’actionnaire minoritaire n’était donc pas représenté au sein du Conseil d’administration de la société.
Alors que la société, par l’intermédiaire de son administrateur-délégué, venait de déposer une requête en réorganisation judiciaire, l’actionnaire minoritaire faisait publier, au Moniteur Belge, un prétendu procès-verbal d’une assemblée générale de la société, laquelle aurait voté, en l’absence de ses administrateurs, la révocation immédiate du mandat de ceux-ci et la nomination, en qualité d’administrateurs-délégués, de l’actionnaire minoritaire et de sa compagne.
Le registre des actionnaires originel demeurait introuvable, sauf sous forme d’une copie transmise par un notaire ayant instrumenté, plusieurs années auparavant, à la modification de l’objet social de la société.
L’actionnaire minoritaire produisait pour sa part un autre registre d’actionnaires original, différent de la copie transmise par le notaire, et dans lequel l’actionnaire minoritaire était renseigné comme bénéficiaire d’une cession de la participation totale de l’actionnaire majoritaire (pour 1 EUR), et détenant dès lors la majorité des actions de la société, sa compagne s’en étant vu céder 10 %. Ces opérations de cession n’étaient pas signées en marge du registre par les prétendus cédant et cessionnaire.
La publication au Moniteur belge de ce procès-verbal d’assemblée générale révoquant le mandat des administrateurs en place et nommant à ce poste l’actionnaire prétendument devenu majoritaire à la suite des opérations précitées, a entraîné l’irrecevabilité de la requête en réorganisation judiciaire déposée par son fondateur, dépossédé, en apparence, de ses pouvoirs de représentation de la société, et la citation en faillite de la société par l’un de ses créanciers.
Le Code des sociétés
Le Code des sociétés prévoit différentes formalités de convocation de l’assemblée générale des actionnaires d’une société anonyme (article 533).
Ainsi, notamment, c’est au conseil d’administration (et non aux actionnaires) qu’il revient la compétence de convoquer tous les actionnaires de la société à l’assemblée générale, ainsi que tous les administrateurs.
Lorsque ces formalités ne sont pas respectées, toute personne intéressée peut solliciter, devant le Tribunal de commerce, la nullité du procès-verbal qui est rédigé et publié suite à l’assemblée générale irrégulière.
Le Code des sociétés prévoit également que si des motifs graves le justifient, le demandeur en nullité peut solliciter en référé la suspension provisoire de l’exécution de la décision attaquée, l’ordonnance de suspension et le jugement prononçant la nullité produisant leurs effets à l’égard de tous.
La doctrine enseigne cependant que lorsque l’ensemble des actions et parts représentatives du capital sont réunies lors d’une assemblée générale, les formalités liées à la convocation de cette dernière peuvent ne pas être respectées, à moins que leur non-respect ne cause un préjudice à toute partie intéressée, laquelle devra démontrer que la situation aurait été différente si l’assemblée générale avait été valablement convoquée.
La décision de la Cour d’appel
La Cour d’appel statuait en référé, étant entendu qu’elle n’était tenue qu’à statuer sur les apparences de droit, et au provisoire.
La Cour n’a pas fait droit à la demande de suspension du procès-verbal de l’assemblée générale entâchée d’irrégularitée et portée devant elle.
Renvoyant au juge du fond la tâche de se prononcer définitivement sur l’annulation dudit procès-verbal, la Cour a estimé que la production d’un registre d’actionnaires original, malgré la production d’une copie d’un autre registre d’actionnaires par un notaire, ne permettait pas de conclure, au provisoire, à l’existence d’un faux en écriture.
La Cour a préféré désigner un administrateur provisoire pour assurer seul la gestion de la société en attente d’une décision du juge du fond sur la composition de l’actionnariat et le procès-verbal contesté.
Conclusion
Lors de la constitution d’une société, les fondateurs d’une société commerciale avec actions ou parts nominatives seront avisés de faire authentifier, auprès du notaire instrumentant, une copie du registre des actionnaires de la société, d’enregistrer régulièrement les versions modifiées de celui-ci ou de tenir deux registres similaires.

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