Taxe Caïman : la saga continue !

Publié le 28 février 2019

La fin d’année 2018 fut marquée par de (nouvelles) adaptations du régime Caïman. Un récent projet de loi annonce d’autres modifications, en ligne toutefois avec celles déjà réalisées. La présente contribution se propose de faire le point en substance sur ces éléments.

Pour rappel, afin de lutter contre le blanchiment de capitaux et plus particulièrement les situations dans lesquelles les contribuables logeaient leur patrimoine dans une construction juridique étrangère peu voire non imposée, la taxe Caïman permet une imposition par transparence des revenus de constructions juridiques comme si ces derniers étaient perçus directement par leur(s) fondateur(s) résidant(s) belge(s).

Cette taxe a connu ces dernières années de nombreuses modifications, poussant même certains spécialistes à considérer que tout type de structures pouvait potentiellement tomber sous le coup du régime Caïman.

Pour rappel, les dernières modifications en date avaient été apportées par la loi-programme du 25 décembre 2017, dont les plus fondamentales sont certainement la qualification en tant que dividendes des distributions opérées par les constructions juridiques visées, et l’élargissement des structures concernées (notamment l’entrée dans le champ d’application de certains « contrats »). L’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions fut le 1er janvier 2018, à l’exception de certaines d’entre elles fixées à une période antérieure (en raison de certaines « fuites doctrinales »).

Dans le cadre du régime Caïman, deux arrêtés-royaux énumèrent les constructions juridiques devant être considérées comme tombant sous la taxe. Un premier concernait les constructions juridiques établies au sein de l’Espace Economique Européen (EEE). Le second vise quant à lui les constructions juridiques hors EEE.

Au niveau des constructions juridiques établies au sein de l’E.E.E., un nouvel arrêté royal du 21 novembre 2018 a modifié les règles en vigueur. Il est dorénavant prévu, en substance, que revêtent la qualité de constructions juridiques, (i) les organismes de placement collectif tant publics, qu’individuels, qu’alternatifs publics, institutionnels ou privés, faiblement taxés, moyennant le respect de certaines conditions, (ii) les sociétés non transparentes en droit belge mais fiscalement considérées comme tel au regard du droit étranger d’établissement (sociétés hybrides) ainsi que (iii) les structures avec personnalité juridique soumises à un impôt effectif inférieur à 1% de leur revenu imposable déterminé conformément aux règles belges applicables (catégorie dite « résiduaire »).

L’élargissement de la définition entraîne indubitablement un élargissement des structures tombant sous Caïman. Pourraient ainsi notamment être visées, sur la base de ces nouveaux éléments, des structures telles que les Sociétés de participations financières luxembourgeoises (les « Soparfi »), les sociétés de gestion de patrimoine familial luxembourgeoises (les « SPF »), ou encore les specialized investment funds (les « SICAV-SIF »). Sous le coup de la catégorie résiduaire, certaines sociétés holding pourraient également être considérées comme constructions juridiques dès lors qu’elles bénéficieraient d’un régime fiscal mère-filiale plus souple que le régime belge. Le signal est donc clair : l’objectif est apparemment de viser large dans l’application du régime.

Cet arrêté-royal recevra la confirmation légale nécessaire prochainement, tel que le confirme le projet de loi « portant des dispositions fiscales, de lutte contre la fraude, financières et diverses », approuvé fin janvier par la Commission des Finances et du Budget de la Chambre. Cette confirmation était essentielle car à défaut, l’arrêté-royal était censé ne jamais avoir produit d’effets.

De manière assez étrange, l’arrêté-royal relatif aux constructions juridiques hors EEE, qui avait pourtant été discuté et prévu, n’est pas encore publié. La raison est due à une difficulté technique liée à la mission confiée au Roi dans l’établissement de cet arrêté-royal. Le projet de loi précité corrige le tir, ce qui devrait permettre une publication prochaine dudit arrêté-royal.

L’arrêté-royal « hors EEE » prévoirait, en substance, que tomberaient sous le coup de la taxe Caïman : (i) tous les organismes de placement collectif tant publics, qu’individuels, qu’alternatifs publics, institutionnels ou privés, moyennant le respect de certaines conditions, ainsi que (ii) les sociétés non transparentes en droit belge mais fiscalement considérées comme tel au regard du droit étranger d’établissement. Il serait dès lors, en toute logique, en ligne avec l’arrêté-royal « EEE », et ce afin d’éviter la création de différences de traitement déraisonnables difficilement justifiables entre les constructions juridiques EEE et les constructions juridiques hors EEE. Les prochains mois devront donc être suivis de près par les praticiens.

Précision technique : certains praticiens remettent en cause, selon nous à raison, la légalité des arrêtés-royaux dont question. Comme le précise le Code, il appartient en effet au pouvoir exécutif d’établir des arrêtés-royaux portant des listes de sociétés revêtant la qualité de construction juridique au sens de la législation Caïman. Or, il peut être constaté supra qu’aucune liste n’existe mais que des critères plus englobant sont dorénavant prévus. Le dépassement de pouvoir est manifeste, mais quelles en seront les conséquences ? Décidément, la taxe Caïman n’en a pas fini de faire parler d’elle…

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