Rupture de la relation entre une banque et son client et clôture des comptes : si c’est le droit du client, c’est aussi celui de la banque…

Publié le 14 octobre 2020

Rupture de la relation par la Banque et clôture des comptes bancaires

Depuis plusieurs années, certains clients de banques se retrouvent confrontés à l’annonce, par leur banquier, de la rupture unilatérale de la relation bancaire et de la clôture subséquente de leurs comptes bancaires, sans motif et généralement moyennant un préavis.

Les clients visés disposent d’un délai pour communiquer à leur futur ex-banquier des instructions précises quant au sort à réserver à leurs avoirs bancaires : les comptes – qu’ils soient débiteurs ou créditeurs – doivent être « zérotés » (mis à zéro), les coffres-forts doivent être vidés, et les valeurs mobilières éventuellement logées dans un portefeuille-titres doivent être transférées auprès d’une autre entreprise réglementée.

La Banque dispose de ce droit discrétionnaire, et son client également…

Les conditions générales bancaires sont en ligne avec le droit commun

Cette clôture des comptes bancaires par le banquier, conséquence de la fin de la relation bancaire et qui se place parfois dans le cadre d’une plus large « procédure d’exit » dans le jargon, trouve généralement son assise dans les conditions générales de la banque (souvent reprises sous la dénomination « RGO » pour « Règlement Général des Opérations »), mais constitue en réalité une application, en droit bancaire, d’un principe général du droit des obligations et des contrats.

La relation entre une banque et son client prend appui sur le « contrat de compte », qui est un contrat innommé conclu à durée indéterminée. Partant de ce principe, les principes généraux en matière de résiliation des contrats à durée indéterminée trouvent à s’appliquer[1]. Ainsi, toute partie au contrat – qu’il s’agisse du client de la banque ou de la banque elle-même – dispose du droit de résilier celui-ci[2], le cas échéant à certaines conditions modalisées contractuellement, et généralement en respectant un préavis raisonnable. La clôture des comptes bancaires est subséquente à la fin de la relation.

Le « contrat-cadre » et le droit des services de paiement

Plus spécifiquement et dans le cas d’une relation entre le banquier et un utilisateur de services de paiement, le livre VII du Code de droit économique, qui contient notamment les dispositions applicables aux crédits et aux services de paiement, vise en son article 17 le droit absolu, tant dans le chef de l’utilisateur de services de paiement que du prestataire de services de paiement (le banquier), de résilier le « contrat-cadre » qui lie les parties[3] et de clôturer les comptes bancaires ouverts dans ce cadre.

Dans le chef du premier, la résiliation peut s’opérer sans frais et avec effet immédiat, sauf disposition contractuelle contraire prévoyant un délai de préavis qui peut être au maximum d’un mois. Dans le chef du second, le délai de préavis doit être d’au moins deux mois.

Les motifs sous-tendant la rupture de la relation entre le banquier et son client

Comme exposé supra, la décision de la banque de rompre le contrat qui la lie à son client et d’annoncer la clôture des comptes bancaires ne doit pas être motivée, étant discrétionnaire, le client disposant par ailleurs du même droit à l’égard de la banque.

Il peut s’agir, par exemple, de l’application d’une politique commerciale nouvelle de la banque, d’une opération de « de-risking » visant un segment de clientèle jugée ou non « à risque » en matière, notamment, de respect par la banque de ses obligations de vigilance et de contrôle préventif du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme, ou d’une décision prise suite à un événement quelconque aboutissant à la volonté de la banque de ne plus assurer un service bancaire à son client.

Deux tempéraments : l’abus de droit et le service bancaire de base

La liberté du banquier de mettre un terme aux relations bancaires nouées avec son client et de clôturer les comptes bancaires de celui-ci connaît malgré tout deux tempéraments potentiels.

En application du droit des obligations, la théorie de l’abus de droit pourra toujours être invoquée, pour autant que le client puisse notamment démontrer que l’acte posé par le banquier, dans les circonstances de l’espèce, se fonde uniquement sur une volonté de nuire de la banque ou est exercé de manière disproportionné et préjudiciable au client au regard des intérêts légitimes de la banque. La sanction de l’abus de droit ne peut cependant entraîner que la réduction de l’usage du droit fait par le banquier à un « usage normal ». Concrètement, le banquier ne pourra jamais se voir obligé de conserver un client, la rupture des relations contractuelle pouvant éventuellement être modalisée de manière plus souple, sans se départir du résultat final.

Le second tempérament à la liberté du banquier est la conséquence de l’application des règles relatives au service bancaire de base, instauré dans la loi du 24 mars 2003, et aujourd’hui repris aux articles VII.56/1 à VII. 59/3 du livre VII du Code de droit économique. Ces règles imposent aux banques un « service bancaire garanti », applicable à tous les établissements de crédit qui proposent, en Belgique, un compte à vue à ses clients. Ces règles feront l’objet d’une autre publication sur ce site.

En pratique, la banque est généralement ouverte à la modalisation d’une fin de relation « en douceur », négociée en bonne intelligence avec son client. Il en va aussi de l’intérêt réputationnel de la banque…

Sujet connexe : Clôture des comptes bancaires en cas de décès


[1] voy. not. VAN RYN et HEENEN, t. IV,, 2è éd., p. 320 ; K. VANDERSCHOT et F. VERMANDER, « Beëindiging en schorsing van de (bank)overeenkomst en sluiting van de (zicht)rekening) » ; Les conditions générales bancaires, Bruxelles, Bruylant, 2005, p. 462

[2] P. VAN OMMESLAGHE, Droit des obligations, t. II, Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 983

[3] L’on vise ici tant les comptes de paiement que les comptes d’épargne (art. 2 de l’A.R. d’exécution du CIR92 du 27 août 199

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