MiFID 2, Services d’investissement, coronavirus et travail à distance : quid de l’obligation imposée aux entreprises d’investissement d’enregistrer les conversations téléphoniques ?

Publié le 14 mai 2020

Un article également publié sur notre site web https://www.bazacle-solon.eu

Le principe

La Directive MiFID II / MiFID 2[1] impose notamment aux entreprises fournissant des services d’investissement (l’exécution d’ordres ou le conseil en investissement) à conserver un enregistrement de tout service d’investissement fourni et de toute activité d’investissement ou transaction effectuée, ceci incluant notamment les enregistrements des conversations téléphoniques intervenant entre un client et son banquier[2].

Ainsi, dès qu’une conversation téléphonique porte sur ou est en rapport au moins avec la prestation de services qui concernent la réception, la transmission et l’exécution d’ordres du client, la conversation doit être enregistrée et conservée pendant 5 ans.

Quid lorsque le banquier travaille « à distance » et est contacté par un client ?

L’entreprise d’investissement doit prendre des « mesures raisonnables » pour que les conversations téléphoniques et les communications électroniques précitées qui sont effectuées, envoyées ou reçues au moyen d’un équipement fourni par la société à un employé ou à un contractant, soient enregistrées. En parallèle, les entreprises fournissant des services d’investissement doivent prendre les mesures raisonnables pour empêcher ses employés d’utiliser, par exemple, un téléphone portable privé incapable d’enregistrer ou de copier les conversations[3].

Mais avec la crise du coronavirus et l’imposition du télétravail pour la grande majorité des acteurs des services d’investissement, il est possible que certaines entreprises ne soient pas en mesure de respecter cette obligation d’enregistrement des conversations téléphoniques, même en prenant des « mesures raisonnables ».

Réponse de l’ESMA : assouplissement des exigences et prise de notes impérative

Le 20 mars dernier, l’Autorité Européenne des Marchés Financiers (l’ « ESMA »)[4] a admis qu’en cette période, les entreprises d’investissement pouvaient être confrontées à des obstacles de nature à rendre impossible, nonobstant le droit positif, l’enregistrement des conversations téléphoniques.

A défaut d’enregistrement, l’ESMA recommande aux entreprises de consigner la teneur des conversations dans des comptes rendus, soulignant en outre l’information à fournir au client sur ce procédé.

Elle précise également qu’il est nécessaire, au vu des circonstances, de renforcer parallèlement les mesures de contrôle des ordres passés par téléphone.

En période de confinement, les entreprises d’investissement belges peuvent donc faire une application par analogie de l’alinéa 4 de l’article 26, § 5 de la loi du 25 octobre 2016 et consigner par écrit, dans un compte rendu ou dans des notes, la teneur d’une conversation téléphonique avec le client, à titre de preuve de l’opération.

Il va de soi que l’alternative proposée ne peut être un prétexte pour les entreprises d’investissement pour ne pas respecter les obligations qui leur sont imposées et que ces solutions alternatives doivent n’être utilisées qu’en raison des circonstances sanitaires exceptionnelles.

Quid de la preuve ? Vigilance et responsabilité de l’investisseur requise !

La preuve des opérations d’investissement sollicitées par un client peut paraitre, en vertu de ce qui précède, unilatérale. L’obligation d’enregistrer les conversations téléphoniques vise, notamment, à protéger le client et à s’assurer de la bonne exécution, par l’entreprise qui fournit des services d’investissement, des ordres donnés.

Pour autant, les carnets d’ordres et rapports écrits tenus par le banquier ont déjà été considérées comme des preuves tout à fait recevables et suffisantes, et validées par les cours et tribunaux. Généralement, ces questions sont réglées contractuellement entre l’entreprise d’investissement et son client.

Le client doit rester vigilant : en tant qu’investisseur, il lui incombe de vérifier régulièrement ses comptes et l’évolution de ses investissements, et de contester immédiatement les opérations d’investissement qui lui paraitraient éventuellement incorrectes. Contester tardivement une opération – une fois une chute de la valeur de l’investissement enregistrée, par exemple -, risque d’être considéré comme une contestation opportune davantage liée au résultat insatisfaisant qu’au caractère incorrect de l’opération critiquée.

Compte tenu de la situation sanitaire exceptionnelle que nous vivons, il est difficile d’imaginer une solution alternative qui assurerait tant l’exécution efficace des ordres reçus que la protection absolue des clients.


[1] Directive 2014/65/UE du Parlement européen et du conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers, partiellement transposée par la loi du 25 octobre 2016 relative à l’accès à l’activité de prestation de services d’investissement et au statut et au contrôle des sociétés de gestion de portefeuille et de conseil en investissement. Voy. Également le Règlement délégué (UE) 2017/565 de la Commission du 25 avril 2016 complétant la directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences organisationnelles et les conditions d’exercice applicables aux entreprises d’investissement et la définition de certains termes aux fins de ladite directive.

[2] Voy. Article 26, §5 de la loi 25 octobre 2016 relative à l’accès à l’activité de prestation de services d’investissement et au statut et au contrôle des sociétés de gestion de portefeuille et de conseil en investissement ; Articles 64 et 527 de la loi du 25 avril 2014 Loi relative au statut et au contrôle des établissements de crédit et des sociétés de bourse ; Article 27bis de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers.

[3] article 26, § 5, al. 5, de la loi du 25 octobre 2016 : interdiction « d’effectuer, d’envoyer ou de recevoir les conversations téléphoniques (…) au moyen d’un équipement privé que la société de gestion de portefeuille et de conseil en investissement est incapable d’enregistrer ou de copier ».

[4] Communication ESMA35-43-2348 du 20 avril 2020 :
https://www.esma.europa.eu/press-news/esma-news/esma-clarifies-position-call-taping-under-mifid-ii.

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