Mise à disposition de masques et gels par l’employeur : position « surprenante » de l’Administration fiscale

Publié le 14 juin 2021

En cette période de déclarations fiscales pour les belges soumis à l’impôt des personnes physiques, il n’est jamais inutile de rappeler quelques règles fiscales. Et ce d’autant plus si l’Administration, dans l’application desdites règles, décide de faire preuve d’une approche « surprenante ». C’est le cas eu égard à la mise à disposition par un employeur à ses employés de masques et gels hydroalcoolique.

  • Avantage de toute nature / frais propres à l’employeur : rappel des principes

Petit rappel en la matière : la rémunération d’un employé, imposable à l’impôt des personnes physiques, est généralement composée d’un paiement « en argent » mensuel. Mais cette rémunération peut également prendre une autre forme. C’est le cas des avantages de toute nature.

Un avantage de toute nature est considéré par le Code fiscal comme de la rémunération pour un employé, soumis donc à l’impôt des personnes physiques. La taxation n’est toutefois pas automatique : lorsqu’un employeur octroie un « avantage » à son employé, il ne peut en effet être question d’un avantage de toute nature taxable que si ce dernier procure un avantage « privé » à l’employé. Exemple : un pc portable mis à la disposition d’un employé peut être pour partie taxable, à partir du moment où l’employé a également la possibilité d’utiliser ce portable à des fins privées. Si ce pc peut uniquement être utilisé à des fins professionnelles (ce qui est le cas, par exemple, d’un pc « fixe » qui se trouve uniquement sur le lieu de travail), il ne devrait pas être question d’un avantage taxable dans le chef de l’employé.

La problématique des frais exposés pour un employeur est indirectement liée à cette question. Les frais qu’un employeur expose pour mettre à disposition de ses employés ses outils de travail représentent sans aucun doute des frais propres à l’employeur. Dans cette logique, lorsqu’un employé doit exposer des frais pour son employeur (par exemple, prendre un billet de train pour se rendre à un rendez-vous professionnel) et que ce dernier lui rembourse ce frais, il est également clair qu’il s’agit d’un frais propre à l’employeur. D’un point de vue fiscal, un frais propre à l’employeur n’est pas taxable pour l’employé qui se le voit rembourser (il est spécifiquement exclu de la notion de rémunération par le Code fiscal). Cette position est on ne peut plus logique : il serait en effet étonnant de considérer qu’un tel remboursement doive être taxé, alors qu’il a été exposé « à la demande » de l’employeur et qu’il ne rétribue pas (en argent ou en nature) le travail réalisé par l’employé.

  • Application surprenante face à la mise à disposition de masques et gels

Fort de ces principes, le traitement fiscal de la mise à disposition de masques et gels paraissait plutôt clair : une telle mise à disposition ne devrait pas être considérée comme un avantage de toute nature taxable (n’allons quand même pas jusqu’à considérer qu’obtenir un masque de son employeur est un avantage dont l’employé bénéficie à titre privé). En outre, en cas d’intervention financière pour rembourser l’employé ayant acheté des masques et du gels utilisés sur son lieu de travail, ce remboursement devrait être considéré comme un frais propre à l’employeur, non taxable également. A partir du moment où une telle mise à disposition (pour les masques en tout cas) était obligatoire pour les employés, un tel traitement fiscal paraissait plutôt logique et de bon sens.

C’était sans compter l’intervention de l’Administration dans une circulaire 2021/C/15 datée du 22 février 2021. Dans cette dernière, l’Administration confirme la position relative aux avantages de toute nature : la mise à disposition de masques et gels n’est pas un avantage taxable dans le chef de l’employé. L’Administration ajoute toutefois dans sa circulaire que « pour qu’il ne soit pas question d’un avantage de toute nature imposable, ces masques ne peuvent pas être remboursés mais doivent être accordés en nature par l’employeur, il s’agit en effet d’une question de bien-être au travail. Cela signifie que l’employeur ne peut pas intervenir dans les frais des masques que le travailleur a acheté lui-même ou que l’employeur ne peut pas accorder à son travailleur un montant forfaitaire avec lequel il peut acheter ces masques ». Ces principes sont également applicables pour le gel hydroalcoolique.

Dis autrement, l’Administration semble ainsi estimer que si l’employeur intervient dans les frais de masques, ce remboursement ne serait pas considéré comme un frais propre à l’employeur, mais comme un avantage taxable. Une seule exception est acceptée : si le travailleur ne peut pas se rendre sur son lieu de travail pour réceptionner ses masques, un remboursement sur la base de pièces justificatives peut être accepté. L’entretien des masques par contre est « avantagé fiscalement » : l’Administration accepte en effet un montant de 0,20 eur par semaine, non taxable dans le chef de l’employé qui les reçoit. Une « victoire » assurément…

Cette circulaire et ces conclusions peuvent faire sourire, mais elles traduisent un mal plus profond : la mise en place de règles fiscales incompréhensibles pour les contribuables. L’Administration perd une chance, après les couacs fiscaux de ces dernières années, de redorer son blason. Le message n’aurait-il pas été positif, face à une pandémie qui dure depuis trop longtemps et une population « fatiguée », d’adopter une position de bon sens et attribuer une absence de taxation face à ces questions liées à la mise à disposition de masques et de gels ? Pire encore : l’application que l’Administration fait en l’espèce semble contraire aux règles fiscales en place. Il parait en effet difficilement soutenable qu’un employeur remboursant l’achat de masques devant obligatoirement être utilisés par l’employé sur son lieu de travail, comme tout autre outil de travail, ne puisse pas être considéré comme un frais propre à l’employeur non taxable. Vivement la fin de cette période difficile pour que tout le monde « reprenne ses esprits ».

N’hésitez pas à prendre contact avec nos associés spécialistes en droit fiscal Me Emanuele CECI et Me Gilles de FOY si vous avez une question, notamment concernant votre déclaration fiscale.

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